Lors de la conférence-débat du 18 Février,
des économistes et syndicalistes ont apporté leur éclairage
dans le cadre du débat actuel concernant les retraites.
Ces interventions ne convergent pas toutes avec les positions de l'association
ATTAC, co-organisatrice de la journée. En effet cette association se
révèle être beaucoup plus proche des positions exposées
par Bernard FRIOT que de celles exposées par Bernard MARX. La position
de Bernard MARX est de préserver le capital, parce qu'il est garant
de la productivité de demain ; en ce sens, la solution de la création
d'un fonds de réserve pour assurer la transition démographique
des retraites fait coup double.
Bernard FRIOT, quant à lui, a d'emblée souligné un des
enjeux essentiels de ce débat : l'avenir du salaire, car la pension
de retraite est une part du salaire (continuation du salaire, prélevée
sous la forme de cotisations salariales sur la masse salariale totale). La
proposition du début du siècle faisait de la pension, au contraire
une rente versée par les assurances sociales (accumulation d'épargne,
le plus souvent corporatiste). La fiscalité (minimum vieillesse) est
venue compléter un dispositif qui ne couvrait pas les besoins, pour
tous, après la seconde guerre mondiale.
L'offensive actuelle consiste à revenir sur ces acquis sociaux en instituant
des fonds de pension dont on attend que le rendement dans l'avenir (donc très
aléatoire) se substitue à des cotisations sociales prélevées
sur la production réelle. Pour Bernard FRIOT, on ne peut mutualiser
des fonds que sur la production de richesse courante. L'accumulation financière
inter-temporelle qui financerait les revenus de demain est une illusion, un
non-sens. On ne tire pas des revenus du congélateur. On ne peut présumer
aujourd'hui de l'actif des entreprises de 2040.
Même avec le système par capitalisation, on se contente de répartir
ce qui est disponible à un moment donné.
Les fonds de pension représentent un danger. Alors, pourquoi cette
offensive?
Au delà du salaire, l'enjeu est d'ordre financier.
Les institutions financières (compagnies d'assurances, banques etc.)
cherchent à tout prix à gérer de nouvelles masses d'argent.
L'argument démographique n'est qu'un prétexte. Les fonds de
pension ne s'attaquent pas à la question essentielle de la baisse du
nombre de cotisants qu'entraîne le chômage de masse. Le niveau
des cotisations dépend du niveau d'emploi et de la part que l'on réserve
aux salaires dans la valeur ajoutée (1).Une baisse du taux de chômage
de 0,2 points par an équilibrerait naturellement les comptes de la
répartition. De plus, il est toujours envisageable de modifier l'assiette
des cotisations (salaires, ou revenus, ou valeur ajoutée ? ).
Faire disparaître la retraite par répartition au profit d'un
choix individuel de type assurance privée permet de faire rentrer une
partie des salaires dans la zone de risques, associée à la gestion
spéculative des capitaux, ce qui s'inscrit dans la logique du patronat,
une augmentation sans fin des profits et des dividendes, et l'accès
à de nouveaux capitaux. Outre un accroissement des inégalités
entre "ceux qui pourront" épargner et ceux qui n'auront pas
les ressources suffisantes, cette logique entraîne l'éclatement
de la solidarité entre les générations. Pour répondre
à un phénomène conjoncturel, on modifierait profondément
et sans doute irrémédiablement le système social actuel
basé sur la répartition. Le système des fonds de pension,
lourd des dangers liés à l'intrinsèque incertitude des
placements financiers générerait un nouvel accroissement des
inégalités et de plus amples dislocations des liens sociaux
qui garantissent la cohésion d'une société
ATTAC
(1) La part des salaires dans la valeur ajoutée est passée de 69 % du PIB en 1983 à 59 % du PIB en 1996 : les gains de productivité n'ont pas bénéficié aux salaires, alors qu'ils seraient largement suffisants pour renflouer les caisses. On pourrait par exemple imaginer que les gains de productivité (environ 2 % par an en moyenne) soient redistribués en direction des salariés qui les ont générés : 0,5 % suffirait à maintenir la parité entre actifs et retraités. 1 % pourrait financer la baisse de la durée du travail. 0,5 % pourrait permettre d'augmenter le pouvoir d'achat. La priorité serait de rétablir la part des salaires dans la valeur ajoutée.